John STEINBECK et la mécanique.


Inauguration de l'exposition REVE AMERIQUE.
inauguration
          En réalisant cette exposition, nous avons métamorphosé la Halle aux grains en y projetant d'étranges rêves.
          Nos mécaniques sont un prétexte, un support pour évoquer, à travers l'œuvre d'un romancier, les laissés-pour-compte de l'Amérique d'en bas. En entrant dans la cabane des " paisanos ", vous découvrez John Steinbeck, ainsi qu'une page d'histoire, celle des migrants du Sud des Etats-Unis, contraints de quitter les terres qui les nourrissaient jusque-là, empruntant la célèbre Route 66, la rage et le rêve au cœur, rêve de Californie où mûrissent les beaux raisins.

Steinbeck connaissait bien ces gens simples, exclus de la société des nantis, pour avoir exercé lui-même toutes sortes de métiers humbles, ou observé en tant que journaliste. Le thème des Raisins de la Colère est étayé par des reproductions de photos de Dorothea Lange, dont certaines sont très connues, et qui constituent un poignant témoignage de l'exode des années 34 à 39.
          Nous avons pris le risque de décevoir deux types de public :
          Les amateurs et spécialistes de voitures anciennes, d'une part, qui pourraient trouver dommage de présenter des véhicules aussi fatigués dans des cadres peu flatteurs.
          Les littéraires, d'autre part, qui pourraient juger réducteur de symboliser un roman de Steinbeck par une scène " mécanique ".

           Nous avons simplement pris plaisir à composer des tableaux qui, nous l'espérons, surprendront, inciteront à imaginer, rêver, réfléchir, et peut-être lire ou relire un auteur sur la pente de l'oubli.

Entre salades et cactus, et sous le regard dubitatif de John Steinbeck, remercions chaleureusement tous ceux qui ont oeuvré pour réaliser cette installation...
LES RAISINS DE LA COLERE
          1 Le départ
          John STEINBECK, pour écrire les " Raisins de la Colère ", s'est inspiré directement de ses propres observations. En effet, au cours de l'été 1936, il parcourt la Californie, à la demande du " San Francisco News ", afin de produire une série d'articles sur l'exode dramatique des fermiers du Middle West. Ce document s'intitulera " The Harvest Gypsies " (traduit : " Les Bohémiens des vendanges ").
          Le roman met en scène la famille Joad qui se joint à ce déferlement de migrants sur la Route 66.
C'est l'histoire poignante de la poursuite d'un rêve : " On a eu la vie dure ici. Là-bas, naturellement, ça n'sera pas pareil…y a de l'ouvrage tant qu'on en veut, et tout est joli et vert, avec des petites maisons blanches et des orangers tout autour ". La réalité sera autre…
Départ de la famille Joad
Panne dans le désert de l'Arizona
          2 LA PANNE dans le désert du Mojave
         "...Mais je me souviens de l'époque où, la prière aux lèvres, nous écoutions avec angoisse nos vieux moteurs fatigués et surveillions le jet de vapeur du radiateur en ébullition. En panne au bord de la piste, il ne restait rien d'autre à faire qu'attendre que quelqu'un passât et s'arrêtât. Jamais je n'ai traversé ce désert sans communier en pensée avec ces familles d'autrefois qui se sont traînées au long de cet enfer terrestre, abandonnant des squelettes de chevaux et de bœufs, qui marquent encore le chemin.
Le Mojave est un désert vaste et terrifiant. La nature semble avoir voulu faire passer un examen d'endurance et de persévérance à l'homme, pour s'assurer qu'il était assez bon pour entrer en Californie. La chaleur sèche fait naître des mirages aquatiques. Et, même quand on roule à vive allure, les collines qui en fixent les limites reculent à votre approche [… ]
          3 Le camion à l'étape du soir.

" Ce camion était la chose active, le principe vivant. Avec l'écran de son radiateur tout faussé et bosselé, avec des globules de graisse saupoudrés de poussière sur les bords usés de tous ses rouages, avec ses chapeaux de roues remplacés par des chapeaux de poussière rouge, c'était lui, le foyer nouveau, le centre vivant de la famille, mi-voiture de tourisme, mi-camion, tout gauche avec ses côtés surélevés ".
Le camion des Raisins de la Colère

A L'EST D'EDEN

Les laitues de Salinas
          Le sujet : En 1914, dans une petite ville de Californie, de pénibles affrontements opposent Cal le rebelle à son frère, l'exemplaire Aron, et à leur père, aussi austère que sévère. La ruine complète de celui-ci, son refus d'être aidé par ce fils qu'il hait, conduiront Cal aux pires extrémités.

          Le roman : Cette saga de la famille Trask dans laquelle s'affrontent constamment le bien et le mal sur deux générations devient rapidement un " best-seller ".

          Le film : Elia KAZAN tourne son film à Mendocino, au nord de San Francisco, en 1954. Dans ce nœud de vipères familial, James DEAN, dont c'est le premier rôle, laisse à jamais gravée " cette image d'ange déchu au regard perdu et à la fragilité émouvante "
          Le train des laitues de Salinas...
                                                                 et l'arrivée d'une FORD T chez Monsieur TRASK.

"... A l'heure du déjeuner Will Hamilton arriva au volant d'une Ford neuve, grondante et tanguante. Le moteur en première hurlait et la capote se tordait comme une voilure dans la tempête. Le radiateur et le générateur d'acétylène faisaient mal aux yeux tant ils brillaient."
La Ford T de M. TRASK

Max et les gars vont à la pêche
           LA RUE DE LA SARDINE.
          Un monde à part, grouillant de personnages marginaux, débrouillards, pittoresques.

          " La Rue de la Sardine, à Monterey en Californie, c'est un poème ; c'est du vacarme, de la puanteur, de la routine, c'est une certaine irisation de la lumière, une vibration particulière, c'est de la nostalgie, c'est du rêve.
La rue de la Sardine, c'est le chaos. Chaos de fer, d'étain, de rouille, de bouts de bois, de morceaux de pavés, de ronces, d'herbes folles, de boîtes au rebut, de restaurants, de mauvais lieux, d'épiceries bondées et de laboratoires.

Ses habitants, a dit quelqu'un : " ce sont des filles, des souteneurs, des joueurs de cartes et des enfants de putain ".
          Le camion de LEE Chong.

          
Le camion de Lee Chong - une Ford, modèle T - appartenait à l'histoire. L'engin trônait devant l'épicerie…. Les pneus arrière étaient encore solides, on avait placé des pavés sous les roues avant pour éviter le contact du sol. Gay était un mécanicien de génie. Le terme n'a pas été encore créé pour les mécaniciens de génie : il faudrait en trouver un ! Il existe des hommes qui n'ont qu'à regarder, à écouter, à tripoter une vis ou un boulon, aussitôt la machine démarre !
Gay était un mécanicien de génie

HOOVERVILLE

Campement Hooverville D LANGE
           ".. Crin de cheval s'échappant en boucles des coussins, ailes cabossées et retapées à coups de marteau. Pare-chocs arrachés, tout de guingois. Roadster Ford de fantaisie, avec de petites lumières de couleur sur les ailes, sur le bouchon de radiateur, et trois à l'arrière. Des garde-boue, et un gros dé sur la poignée du levier de vitesses. Sur la housse du pneu, une jolie fille en couleurs, prénommée Cora..."

          "...La ville de zoniers s'étalait au bord de l'eau ; tentes, huttes de roseaux, cabanes en carton, dont l'ensemble constituait un informe tas de débris. L'homme conduisait sa famille dans le camp et devenait citoyen d'Hooverville - elles s'appelaient toutes Hooverville. L'homme montait sa tente aussi près de l'eau que cela lui était possible ; ou s'il n'avait pas de tente, il allait à la décharge municipale chercher des emballages et se construisait un abri en carton ondulé".


          ...Ecoute le moteur. Ecoute les roues. Ecoute avec tes oreilles et avec tes mains sur le volant, écoute avec la paume de ta main sur le levier de vitesse ; écoute avec ton pied sur le plancher. Ecoute les vibrations de la vieille guimbarde avec tous tes sens ; car un changement de bruit, une variation de rythme peut vouloir dire - une semaine en panne ici ?

          John STEINBECK (Les Raisins de la Colère - 1939)
Ford A à la casse